En 1970, l’économiste Milton Friedman affirmait avec aplomb que « la seule responsabilité sociale de l’entreprise est d’accroître ses profits ». Une déclaration aussi iconique que polémique, devenue l’étendard du capitalisme actionnarial. Mais à l’heure où les entreprises s’érigent en prescriptrices de bien-être, investissent dans des bureaux-lieux-de-vie, des psychologues du travail et des comités d’écoute interne, la sentence semble vaciller. La Silicon Valley a été le théâtre précurseur de cette mutation : ici, les « perks » ( salles de sieste, repas gratuits, congés illimités…) sont devenus partie intégrante d’un management par le bonheur. Le profit reste-t-il alors la seule fin, ou bien le bien-être devient-il un levier de performance ? L’entreprise, lieu productif, est-elle aussi désormais un lieu de vie et de lien social ? Décryptage d’un tournant stratégique et idéologique.
Du profit comme moteur à l’éthique comme levier : l’élargissement du rôle des entreprises
Historiquement, l’entreprise se définit par sa finalité économique : produire, vendre, et générer du profit. Ce dernier, loin d’être une fin en soi, garantit la pérennité, l’innovation et l’adaptabilité. Il permet, in fine, de répondre aux besoins de la population : une entreprise rentable est une entreprise vivante, capable d’employer, d’investir, d’évoluer.
Mais cette équation purement économique a progressivement montré ses limites. Dans l’imaginaire collectif, les entreprises centrées uniquement sur le profit sont souvent perçues comme moralement suspectes. L’irresponsabilité sociale, environnementale, ou humaine ne passe plus. À l’inverse, une nouvelle génération d’entreprises assume une « mission » plus large.
Avec la loi PACTE en 2019, la France a ouvert la voie à une nouvelle catégorie d’entreprise : celles qui définissent leur « raison d’être » dans leurs statuts. Carrefour, par exemple, s’est fixé pour mission la « transition alimentaire pour tous ». Ce n’est plus seulement une promesse marketing : c’est un cap stratégique, intégré à la gouvernance. L’idée n’est pas d’opposer performance et intérêt général, mais de les articuler. Et cela change tout : l’entreprise devient co-acteur du bien commun.
Autre symptôme de ce basculement : l’entreprise devient aussi un lieu de vie. Des séminaires de management aux comités de discussion employés-employeurs, l’attention au climat social devient un impératif. Non par philanthropie, mais car un salarié heureux rapporte plus.
Bonheur au travail : levier de performance ou nouvelle injonction ?
Une étude de Sciences Po Paris (2022) révélait que 61 % des salariés placent désormais le bien-être au-dessus du salaire dans leurs priorités. Cette aspiration, renforcée par la pandémie et l’arrivée de la génération Z sur le marché du travail, oblige les entreprises à se réinventer. Les recherches confirment l’intuition : un salarié épanoui est plus performant. Selon la Saïd Business School d’Oxford, les employés heureux sont 12 % plus productifs. Chez Google ou 3M, la liberté laissée aux employés pour développer leurs propres projets a généré des innovations majeures. Le bonheur stimule la créativité, diminue l’absentéisme, et renforce la cohésion.
Mais cette promesse a ses limites. D’abord, tous les métiers ne permettent pas les mêmes conditions de bien-être. Le monde hospitalier ou la logistique, soumis à une pression constante, montrent les angles morts d’une approche uniforme. Le bonheur au travail ne peut être réduit à des baby-foot ou à du yoga en entreprise. Il dépend de conditions matérielles : reconnaissance, charge raisonnable, stabilité. Ensuite, le « management du bonheur » peut tourner à l’injonction. Certaines entreprises valorisent le bien-être comme un outil de contrôle déguisé. Chez Amazon, des « cabines zen » sont proposées… en plein entrepôt ultra-surveillé. Dans certaines start-ups, les open-spaces conviviaux masquent des journées à rallonge. Quand le bonheur devient une norme, il perd de sa sincérité et peut générer l’effet inverse : du malaise.
Vers une performance durable : l’émergence d’un modèle hybride
Dans un contexte de guerre des talents et de quête de sens, le bien-être devient une condition stratégique de la performance. Mais cette logique ne peut reposer uniquement sur l’entreprise : elle nécessite un changement systémique, appuyé par des politiques publiques.
Des exemples étrangers en attestent. Le Danemark, avec sa « flexicurité », conjugue mobilité professionnelle et sécurité sociale. Résultat : un haut niveau de satisfaction au travail. Les Pays-Bas testent la semaine de quatre jours, avec des effets positifs sur la productivité. En France, le droit à la déconnexion tente de limiter l’épuisement numérique.
Ces exemples prouvent que la performance et le bien-être ne sont pas incompatibles. Mieux : ils se renforcent. Mais à condition de sortir d’une approche gadget et de penser le travail comme un projet de société. L’entreprise doit redevenir un acteur social, culturel, humain, et non un simple moteur de croissance économique.
Ausone Conseil : catalyseur d’engagement et de transition responsable
À l’heure où le sens du travail devient une priorité, la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) émerge comme une réponse structurée à la double attente des salariés et de la société : contribuer positivement au monde tout en restant économiquement viable.
Définie par la Commission européenne comme « l’intégration volontaire par les entreprises de préoccupations sociales et environnementales dans leurs activités commerciales et leurs relations avec les parties prenantes », la RSE s’inscrit dans une logique de durabilité. Elle ne remet pas en cause le profit, mais le recontextualise : le profit comme moyen, non comme finalité unique. Gouvernance éthique, respect des droits humains, conditions de travail décentes, impact environnemental maîtrisé : autant de critères désormais analysés, mesurés, et pilotés.
Face à ces mutations, Ausone Conseil, Junior-Entreprise de Sciences Po Bordeaux, propose un accompagnement sur mesure pour aider les organisations à entrer dans une démarche RSE ambitieuse, cohérente et concrète. Forte de son expertise universitaire et de son ancrage pluridisciplinaire, l’équipe d’Ausone met à disposition des entreprises des prestations modulables et des étudiants formés aux enjeux du développement durable.
Concrètement, Ausone Conseil propose :
- Des ateliers de sensibilisation à la RSE pour initier les collaborateurs à ces enjeux.
- Des diagnostics de maturité RSE, incluant des baromètres sociaux, des enquêtes de matérialité ou d’impact auprès des parties prenantes.
- Des accompagnements stratégiques pour aider à formaliser une raison d’être, structurer un écosystème de partenaires responsables, ou encore évaluer et améliorer les politiques internes.
- Une méthodologie rigoureuse : sélection d’intervenants qualifiés, suivi personnalisé, restitution orale et ajustements sur mesure.
Conclusion : Du profit à la performance humaine
Milton Friedman aurait-il changé d’avis à l’ère des Chief Happiness Officers ? Rien n’est moins sûr. Mais si l’on prend au sérieux l’idée que le profit est un moyen et non une fin, alors l’entreprise a tout intérêt à investir dans le bonheur au travail. Pas pour faire joli, mais parce qu’un salarié reconnu, libre et écouté est aussi un salarié performant.
La vraie question est donc moins celle du profit que celle du modèle de performance : veut-on une entreprise rentable à court terme, au prix d’un turnover constant et d’un désengagement généralisé ? Ou une entreprise durable, capable d’attirer, de fidéliser, et de faire grandir ses talents ?