Ce vendredi 2 avril est sorti le premier épisode d’une série de 3 podcasts sur les enjeux de la RSE dans les entreprises. Ce premier podcast qui invite à réfléchir sur la place de l’écologie et des questions sociales dans les entreprises, a été réalisé conjointement par Ausone Conseil par l’intermédiaire d’Emma, l’association dédiée aux questions environnementales : Echo’Logik, par l’intermédiaire d’Alba, la co-présidente de l’association et OGM. Vous retrouverez les liens audio vers les plateformes de streaming de cet épisode, sous l’article.
Un lien puissant entre entreprises, société et écologie
Le lien entre entreprise et écologie est assez facile à comprendre : 70% des émissions mondiales de carbone peuvent être imputés aux 100 plus grandes entreprises du globe selon Disclosure Project. D’un point de vue plus social, l’organisation du travail, et notamment l’émergence et la multiplication, depuis les années 50 d’entreprises, firmes et grands groupes a un impact sur la société, notamment du point de vue des inégalités (maintien ou affaiblissement), des discriminations, des relations sociales. Rien qu’en France, 13 millions de personnes travaillent en entreprise, soit 46% de la population active totale selon l’ADEME. Le travail en entreprise représente 12 millions de tonnes de CO2 émises, rien que pour les déplacements liés aux activités de bureau chaque année. Et tout ça seulement à l’échelle de la France.
Aujourd’hui il est évident que l’entreprise à une responsabilité vis-à-vis de la société et de l’environnement : les activités commerciales, financières ou autres impliquent des déplacements carbonés, l’utilisation de ressources énergétiques, l’utilisation d’outils numériques polluants, etc. Depuis les années 1980 on s’aperçoit que les entreprises ont un rôle important dans la gouvernance mondiale, ce qu’on voit notamment pendant les grands forums économiques. Afin de faire face aux enjeux actuels que sont la crise climatique et l’accroissement des inégalités, les entreprises doivent améliorer l’impact qu’elles peuvent avoir sur la société et l’environnement. La RSE ça répond un peu à une remise en question et une critique des entreprises suite à une remise en question du système capitaliste, de l’utilisation des ressources, des inégalités quelles qu’elles soient.
Qu’est-ce que la RSE ?
La RSE c’est un concept qui apparaît en France et en Europe dans les années 2000 avec le livret vert de la Commission européenne. La Responsabilité Sociétale des Entreprises ou encore Responsabilité Sociale Environnementale a pour objectif de prendre en compte les conséquences à long terme des activités économiques d’une entreprise sur la société et l’environnement et lutter contre les inégalités dans le monde du travail en entreprise. La vocation de la RSE c’est de contribuer à un meilleur fonctionnement des organisations qui soit plus équitable. Le tournant en Europe c’est le livret vert de la Commission européenne en 2001, puis sa communication en 2011, qui redéfinit la RSE et lui donne des contours plus définis : les entreprises doivent mettre en place un processus destiné à intégrer les préoccupations sociales, environnementales, éthiques, de droits de l’hommes et de consommateurs dans leurs activités commerciales et engager une conversation avec leurs partenaires et parties prenantes. Pour la Commission, c’est aussi un moyen de réussir une stratégie de croissance inclusive, et c’est une opportunité d’innovation avec potentiel de création d’emploi.
La RSE passe souvent par l’élaboration d’une « stratégie RSE », qui est complètement volontaire – et c’est souvent la critique faite à la RSE – aucune entreprise n’est contrainte d’adopter tels ou tels éléments précis dans sa politique. En revanche, pour les entreprises cotées en bourse et les entreprises de plus de 500 salariés avec un chiffre d’affaire annuel de plus de 100 millions d’euros, il est obligatoire de mettre en place une stratégie RSE. Et dès lors qu’elle s’y engage, l’entreprise doit rendre des comptes de manière annuelle en publiant par exemple un rapport annuel des actions menées, et ce depuis 2003. En bref, pour certaines entreprises, il est obligatoire d’adapter une stratégie RSE, mais le contenu dépend entièrement de leur volonté.
En France, la RSE se dote d’un cadre légal en 2001 avec la loi NRE (Nouvelles Régulations Economiques) qui établit les règles en matière de transparence des informations sur la manière dont une entreprise cotée en bourse prend en compte les conséquences sociales et environnementales de son activité, ensuite étendu aux entreprises de plus de 500 personnes et ayant un chiffre d’affaire annuel supérieur à 100 millions d’euros.
Il y a souvent deux bords opposés : d’un côté les enthousiastes, convaincu.e.s que la RSE permet aux entreprises de s’engager à hauteur de leurs moyens, voire de surpasser les politiques publiques de transition écologique si elles le peuvent. D’un autre côté les sceptiques, plutôt convaincu.e.s que la RSE est un effet d’affichage et est davantage du ressort de la communication et du green washing que du véritable changement, parce que, pourquoi les entreprises ne profiteraient-elles pas d’une occasion pour faire davantage de profit, selon leurs propres conditions (ce que dit Friedman par exemple) ?
Cette réflexion pousse à se demander si une RSE volontaire est suffisante dans le contexte actuel : les mécanismes mis en place par le Global Compact de 2000 et la Commission sont plutôt incitatifs, et la multiplication de normes, de labels et de certifications encourage les entreprises à s’engager. Depuis 2003, chaque entreprise qui adopte une stratégie RSE doit rendre des comptes tous les ans, sinon elle est rayée de la liste des participants actifs du Global Compact. La RSE est également un bon élément de communication et de marketing pour des entreprises qui souhaitent se défaire de l’image de la firme polluante et favoriser les inégalités et les discriminations. Certaines entreprises sont vraiment volontaires et souhaitent s’améliorer, mais il est vrai qu’il faut se méfier de la RSE « effet d’affichage » qui consiste à faire du green washing. Ce qui ouvre le débat suivant : faut-il rendre la RSE obligatoire pour toutes les entreprises sans distinction, élaborer des normes contraignantes, forcer les entreprises à changer ? Ou mieux vaut-il qu’elle soit volontaire pour que chaque entreprise puisse définir les critères de son engagement, et les adapter à la hauteur de ses capacités ?
Qu’est-ce qu’une bonne stratégie RSE ?
Pour le Global Compact, c’est une stratégie qui promeut et respecte les droits de l’homme, la liberté d’association, élimine le travail forcé, le travail des enfants, la discrimination en matière d’emploi, applique un principe de précaution face aux problèmes qui touchent l’environnement et qui entreprend des initiatives pour promouvoir la responsabilité environnementale tout en agissant contre la corruption et l’extorsion.
En pratique ça donne quoi ?
Une bonne stratégie RSE c’est celle qui prend en compte les enjeux propres à chaque entreprises et considère l’ensemble des acteurs, c’est à dire les partenaires, les parties-prenantes, les salarié.e.s de l’entreprise et offre une solution adaptée au cas par cas, qui évalue les impacts internes et externes des activités. Ca peut passer par des audits qui évaluent l’impact carbone pour estimer comment réduire les émissions, le gaspillage, qui aide à comprendre comment optimiser l’utilisation des ressources énergétiques, ou un audit en RH qui définit comment favoriser l’égalité des chances en période de recrutement ou comment former les employé.e.s aux enjeux sociétaux.
De manière générale, ça passe par une optimisation des outils de travail, une revalorisation du matériel obsolète, l’optimisation du chauffage ou la climatisation, l’utilisation des ressources en eau, la promotion des déplacements « propres » pour aller au bureau, la mise en place d’une charte RSE, la formation du personnel. Mais aussi et surtout, une stratégie RSE vraiment efficace, c’est une stratégie qui évalue les partenariats et les investissements d’une entreprise et pas seulement les pratiques internes. En effet, une stratégie RSE qui comprend la réduction des déchets en entreprise mais qui ne questionne pas son partenariat avec un grand groupe finançant l’extraction de minerais rares est contradictoire et contre-productif.
Dans les bons exemples de stratégie RSE on peut citer par exemple le groupe CAMIF, une entreprise à mission française spécialisée dans la vente de meubles, labellisée B Corp et fonctionnant sur le modèle collaboratif. Selon Ecovadis une entreprise de notation de stratégie RSE, Nestlé c’est aussi un très bon exemple, en 2018 l’entreprise était lauréate du concours d’Ecovadis grâce à l’engagement qu’elle a généré parmi ses partenaires et fournisseurs, dont la majorité a implémenté une stratégie RSE dans les dernières années.
En fait, la bonne stratégie RSE permet de s’améliorer du point de vue environnemental, social et droits de l’homme, du point de vue éthique et des achats responsables.
Quels sont les obstacles et limites de la RSE ?
Parmi les obstacles on peut noter que le fait que toutes les entreprises n’y soient pas contraintes et qu’il n’existe pas de régulation véritable autour des actions à mener (hormis la production de rapport et la transparence sur les actions menées), ce qui cause des niveaux d’engagements disparates et un certain flou autour de la notion. La norme ISO 26 000 a permis de donner davantage de clarté aux actions à mettre en place, mais il manque toujours beaucoup de transparence. On peut noter aussi que souvent, les rapports de RSE omettent leurs sources et présentent des stratégies plus ou moins accessibles et compréhensibles, il y a parfois un décalage entre des titres accrocheurs et des contenus assez faibles en pratique.
Comme l’engagement est relatif à l’entreprise, si elle décide de mener des actions à impact faible ou ne décide pas de revoir l’intégralité de son impact sur la société et l’environnement en questionnant par exemple ses partenaires, on peut assez vite tomber dans un effet d’annonce qui devient ce qu’on appelle du green washing. On reconnaît souvent ce type de stratégie au fait que tout est mis sur la communication de quelques bons éléments, sans véritable changement, ou qui cache une autre activité répréhensible. C’est parfois une façade, un peu comme l’arbre qui cache la forêt.
La RSE peut rencontrer plusieurs obstacles, mais une entreprise vraiment volontaire et très engagée sur les questions de transition écologique, d’égalité, de non-discrimination, etc pourra toujours trouver un moyen de s’améliorer et d’atteindre ses objectifs.
Le budget d’une stratégie RSE ne peut pas être considéré comme obstacle, notamment dans les grands groupes – c’est davantage une excuse.
Quel espoir pour la RSE ?
Aujourd’hui on peut espérer que la RSE soit généralisée à l’ensemble des entreprises et des organisations, que chacune prenne conscience de la responsabilité qu’ont ses activités économiques sur la société et l’environnement. Mais on peut aussi espérer que les entreprises qui n’ont pas encore sauté le pas réalisent qu’il n’y a pas que les gains financiers qui sont importants, mais aussi les gains sociaux et environnementaux qu’elles peuvent générer. L’espoir c’est vraiment que les mauvaises pratiques n’aient plus lieu et qu’on ne puisse plus se cacher derrière une stratégie RSE très faible pour dire qu’on est « vert », mais plutôt qu’on mène des actions concrètes utiles. On peut aussi penser à une institutionnalisation de la RSE plus poussée et une législation plus contraignante, ce qui commence à prendre forme grâce, notamment à la Commission européenne, à la Stratégie de développement durable et au droit de l’environnement.
La prise de conscience grandissante au sujet des inégalités, notamment de sexe et de genre, et de la crise climatique est un facteur qui permet de penser que de plus en plus d’entreprise adopteront des stratégies RSE efficaces dans le futur.
Un grand merci à Emma et Alba pour cette riche réflexion sur ces enjeux essentiels. Vous pouvez retrouver l’article en version audio sur toutes les plateformes avec les liens suivants :
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